Corps et cerveau en action : la cognition incarnée
LA COGNITION INCARNÉE : DES PENSÉES, DES ÉMOTIONS ET DES COMPORTEMENTS
La cognition incarnée se nomme également “embodiment”. Elle fait référence à nos pensées (via la cognition), nos sentiments (via les émotions) et nos comportements (via le corps).
C’est un concept issu de la psychologie cognitive. Il sert à étudier notre manière d’interagir avec le monde extérieur en fonction de nos capacités physiques, mentales et émotionnelles.
Ce qui motive tous ces éléments est la façon dont nous nous mouvons dans notre environnement et dont nous ressentons les choses et les événements.
UNE CIRCULATION CONTINUE D’INFORMATIONS ENTRE LE CORPS ET LE CERVEAU
La manière dont nous nous développons depuis la toute jeune enfance, que ce soit en grandissant physiquement ou en nous développant via la parole ou la cognition, précise la façon dont nous respirons, dormons, pensons, bougeons…
– Les informations captées par notre corps via les 5 sens et notre “sixième sens qu’est la proprioception, suivent un mode nommé “bottom-up”. “Bottom” fait allusion au corps et aux sensations provenant de l’extérieur de nous-mêmes. “Up” fait allusion au cerveau et la façon dont ce dernier traite en interne les éléments reçus.
Comme l’a dit Barsalou en 2008, ce mode implique que « les représentations sensori-motrices contribuent à la compréhension conceptuelle ».
– Les informations qui suivent le mode “top-down” proviennent d’abord de notre cerveau. A travers notre cognition, nos pensées, nos objectifs, nos envies… pour guider nos comportements physiques et notre corps à travers nos membres physiques.
Comme l’ont souligné Wilson et Golonka en 2013, ce mode implique « l’influence de la cognition sur la perception et l’action ».
POSTURE ET ATTITUDE
L’impact de la cognition incarnée sur nos attitudes se révèle lorsque la posture ou le mouvement de notre corps influence notre évaluation d’un objet.
L’Anatomie Émotionnelle : la structure de l’expérience – Stanley Keleman (1986)
Ces changements dans notre perception peuvent résulter de nos propres expériences subjectives, telles que nos expressions faciales ou nos mouvements corporels, comme le suggère une étude réalisée sur les expressions faciales et les comportements non verbaux.
Ainsi, nos pensées, émotions et actions associées à un objet sont intrinsèquement liées à notre attitude envers cet objet. Par exemple, si un individu développe une attitude positive envers un objet initialement neutre, sa réponse future à cet objet sera également positive.
Autrement dit, nos comportements peuvent influencer nos attitudes.
LA POSTURE NE SE LIMITE PAS À UNE SIMPLE DISPOSITION PHYSIQUE :
Elle est le reflet silencieux de nos attitudes internes. L’alignement de notre corps peut raconter des histoires non verbales de confiance, d’ouverture ou, au contraire, de réserve et d’anxiété.
Quand nous adoptons une posture droite et ouverte, nous ne nous contentons pas de paraître plus assurés. Nous pouvons effectivement influencer notre propre état psychologique, en renforçant la confiance en soi et en diminuant le stress. Inversement, une posture affaissée peut non seulement projeter une image de manque de confiance, mais également accentuer nos sentiments de découragement ou de tristesse.
Cela illustre le lien bi-directionnel entre posture et attitude : notre corps peut façonner notre esprit, tout comme notre esprit peut modeler notre corps.
LA PROPRIOCEPTION
L’embodiment étudie les formes que peuvent emprunter nos compréhensions de l’environnement et leur influence sur nos expériences sensorielles et motrices. Selon Lakoff et Johnson en 1999, « les concepts abstraits sont enracinés dans notre expérience physique et sont compris en termes de cette expérience ».
Notre perception de l’espace, de la temporalité et de nos interactions sociales est dépendante de notre expérience corporelle. Par exemple, nos capacités motrices influencent notre compréhension de la distance et de la profondeur spatiale (Witt et Proffitt, 2005).
Ainsi, un système proprioceptif efficace nous permet de fonctionner de manière efficiente. En économisant notre énergie et en libérant nos fonctions cognitives pour d’autres tâches.
Cependant, tout dysfonctionnement dans ce système, tel qu’un défaut de contrôle postural, perturbe l’ensemble du processus. L’énergie qui devrait normalement être utilisée pour maintenir la stabilité physique est alors détournée, laissant moins de ressources disponibles pour les fonctions cognitives.
Cela entraîne une altération significative de l’attention et des perturbations émotionnelles.
En somme, un déséquilibre dans notre système proprioceptif compromet notre capacité à mener à bien nos activités cognitives et affectives.
EXEMPLE : LES TROUBLES DYS
Voilà pourquoi écrire, en imprimant avec ses doigts d’un crayon sur un cahier, c’est « imprimer » sa pensée avec le corps. Facilitant la pensée, et surtout sa mémorisation. Car les mots que je construis sont mémorisés en même temps que le mouvement de ma main.
L’approche incarnée accorde une place centrale à la conscience intéroceptive dans la cognition humaine (i.e. la conscience des états corporels internes ; Versace, Brouillet, et Vallet, (2018).
Prenons l’exemple d’un enfant qui prend son stylo de la main droite. Avant même de saisir son stylo, son cerveau active le muscle soléaire de sa jambe gauche, prévoyant le besoin de stabiliser sa posture par des ajustements posturaux anticipés (APA). Ils précèdent le mouvement de quelques centièmes de secondes, pour maintenir l’équilibre.
Cette préparation ne s’arrête pas là. Pour maintenir sa posture, il est nécessaire que l’axe tonique ventilatoire, soutenu par un appui abdominal et périnéal solide, participe à la stabilité posturale.
Ainsi, une coordination précise entre la contraction du diaphragme pendant l’inspiration et celle des muscles dilatateurs du pharynx pendant l’expiration est assurée.
L’exécution coordonnée de ces actions motrices garantit une respiration nasale exclusive. Combinée à un positionnement optimal des 17 muscles de la langue, elle harmonise les oscillations des ondes cérébrales thêta et celles du cerveau limbique.
Cette synchronisation permet alors une orientation de l’attention et une régulation émotionnelle efficaces pour mener à bien la tâche en cours.
Cependant, si l’un de ces mécanismes ne peut s’effectuer parfaitement, divers mécanismes adaptatifs vont se mettre en place. Ces ajustements dépendent des capacités génétiques et épigénétiques de la matrice initiale unissant le corps et le cerveau. Le dépassement de ces mécanismes adaptatifs signe l’échec de la tâche prévue, ce qui est fréquemment rencontré chez les Dys.
Les ajustements posturaux anticipés
LIENS ENTRE POSTURE, RESPIRATION, SOMMEIL, COGNITION ET ÉMOTIONS
À travers cet exemple, il est évident que la posture, la respiration, le sommeil, la cognition et les émotions sont étroitement liés. La manière dont un enfant saisit son stylo de la main droite ne se limite pas à un geste isolé. Elle reflète une série complexe de mécanismes corporels et mentaux interconnectés.
POSTURE
La posture, en premier lieu, définit la stabilité physique de tout être humain. Elle implique une coordination précise des muscles et des ajustements posturaux anticipés pour maintenir l’équilibre. Cette relation entre posture et cognition a été explorée par plusieurs chercheurs.
Par exemple, dans une étude menée par Visser et coll. (2019), les auteurs ont constaté que des exercices posturaux améliorent la performance cognitive chez les enfants.
RESPIRATION
De même, la posture est liée à la respiration. Une respiration optimale favorise une ventilation nasale exclusive et contribue à l’harmonisation des ondes cérébrales.
COGNITION
Une bonne ventilation exclusivement nasale influe sur la cognition et les émotions via l’apport d’oxygène vers le cerveau. Elle facilite la concentration et la régulation émotionnelle.
La corrélation entre respiration et cognition est documentée dans la littérature scientifique par, entre autres Vrancken en 2016. Il met en évidence l’impact de la respiration sur la cognition et le bien-être émotionnel.
SOMMEIL
Le sommeil récupérateur, au travers de toutes ses étapes, est essentiel pour consolider la mémoire et le processus d’apprentissage.
Une bonne posture et une respiration adéquate favorisent un sommeil de qualité. Ce dernier est indispensable pour une cognition optimale et une régulation émotionnelle efficace.
Des études ont montré le lien entre sommeil, posture et cognition. Par exemple, une recherche menée par Felden en 2017 a examiné l’effet de la posture pendant le sommeil sur la consolidation de la mémoire chez les enfants.
EMOTIONS
Enfin, les émotions sont influencées par la posture et la respiration. Une posture stable et une respiration équilibrée contribuent à la régulation émotionnelle. Celle-ci facilite la gestion du stress et des émotions négatives.
Cette interaction entre posture, respiration et émotions a été étudiée par plusieurs chercheurs. Une étude de Tsai en 2016 a démontré l’effet de la posture sur la régulation émotionnelle chez les adultes.
LA NEUROTHÉRAPIE POUR OPTIMISER L’ACTIVITÉ COGNITIVE ET LES RÉPONSES PHYSIOLOGIQUES
LE LIEN CERVEAU-CORPS VIA LE NEUROFEEDBACK EEGQ
SYSTÈME TOP-DOWN
PRINCIPE DE RÉTROACTION ET PLASTICITÉ CÉRÉBRALE
Le neurofeedback repose sur le principe fondamental que le cerveau est plastique. Ce qui signifie qu’il peut se réorganiser et se modifier en réponse à l’expérience et à l’entraînement.
Il s’appuie sur les neuroplasticités structurelle et fonctionnelle du cerveau pour induire des changements bénéfiques dans le fonctionnement cognitif et émotionnel.
Le neurofeedback répond donc aux besoins neuropsychologiques en exploitant la plasticité cérébrale.
Ainsi, des changements bénéfiques dans le fonctionnement du cerveau, du système nerveux central et du corps sont induits grâce au principe de neuroplasticité et de régulation descendante (top-down).
Pour ce faire, l’outil mesure précisément les fluctuations de l’activité cérébrale. Une rétroaction visuelle et auditive en temps réel permet à la personne d’ajuster ses pensées en fonction de l’objectif à atteindre. Ce processus d’apprentissage conscient et volontaire fonctionne par conditionnement opérant et efforts actifs de la personne. Autrement dit, des stimuli auditifs et visuels amenant une réponse physiologique. Ce système est décrit comme étant descendant ou “top-down”.
En effet, les processus cognitifs supérieurs influencent l’activité cérébrale. Cette dernière influence à son tour les réponses physiologiques du corps. Cela, à travers les organes, le sang, l’oxygène… en interne et nos 5 sens en externe.
UN ACCOMPAGNEMENT GLOBAL
L’accompagnement en neurothérapie s’accompagne d’un travail sur la posture et la respiration. Les changements se ressentent donc au niveau du corps physiologique.
Par exemple, les maux de ventre ou de dos peuvent être atténués. Les sensations désagréables liées au stress ou à l’anxiété peuvent diminuer. L’impact sur le corps des tempêtes émotionnelles vécues et ressenties peut être beaucoup moins fort.
Ainsi, les changements opérés au niveau mental et cognitif se ressentent ailleurs que dans la tête.
Le neurofeedback peut favoriser des changements durables dans le fonctionnement cognitif, émotionnel et physique de la personne. En effet, ce système d’entraînement permet de s’autocontrôler émotionnellement et sur le plan de la concentration et du calme.
Lorsque différentes situations conflictuelles ou désagréables se produisent dans notre quotidien et qu’on arrive à y faire face en gardant notre calme, en restant concentré et en maîtrisant nos gestes et nos pensées, on a, par là même, moins de tensions musculaires dans le corps.
S’il y a moins de tension, le corps est plus détendu et présente moins de rigidités et de douleurs. L’impact bénéfique de la gestion émotionnelle et des objectifs travaillés en séance de neurothérapie influencent ainsi la façon dont tout notre corps perçoit les informations et réagit en conséquence.
LE LIEN CORPS-CERVEAU VIA LE BIOFEEDBACK
SYSTÈME BOTTOM-UP
PRINCIPE DE RÉTROACTION SENSORIELLE ET D’HOMÉOSTASIE
Le biofeedback établit une connexion directe entre le corps et le cerveau. Il s’appuie sur le principe fondamental que le corps est capable de s’autoréguler en réponse à des signaux sensoriels. Ces derniers proviennent de divers systèmes, tels que la proprioception, la vision et l’audition. Ces systèmes polysensoriels fournissent à la fois des informations sur l’environnement externe (extéroception) et sur l’état interne du corps (intéroception).
Il exploite les mécanismes d’homéostasie du corps pour induire des changements psychophysiologiques bénéfiques. Le biofeedback répond donc aux besoins neurophysiologiques en exploitant la capacité du corps à s’auto-réguler.
Les changements dans le fonctionnement du corps, du système nerveux autonome et du cerveau sont possibles grâce au principe de rétroaction sensorielle et d’homéostasie.
Pour ce faire, l’outil mesure précisément les signaux physiologiques du corps. Ils peuvent provenir de la fréquence cardiaque, la tension musculaire ou encore la conductance de la peau. Une rétroaction sensorielle en temps réel permet à la personne d’ajuster ses réponses physiologiques en fonction de l’objectif à atteindre.
Ce processus d’apprentissage par conditionnement opérant renforce donc ce lien corps-cerveau et il est décrit comme ascendant ou « bottom-up » .
En effet, les signaux sensoriels du corps influencent l’activité cérébrale. A son tour, cette dernière influence les réponses émotionnelles et comportementales de la personne.
DES EFFETS SUR LES CAPACITÉS COGNITIVES ET ÉMOTIONNELLES
Puisque l’accompagnement en biofeedback s’accompagne d’une prise de conscience corporelle et d’une régulation physiologique, des changements se ressentent également au niveau mental et cognitif.
Par exemple, une meilleure gestion du stress peut entraîner une réduction des tensions musculaires, une diminution de l’anxiété et une amélioration du bien-être général.
Les changements opérés au niveau physiologique se répercutent dans la façon de retrouver une détente mentale, une concentration particulière et une autre manière de voir et d’anticiper les choses, les événements, les réactions…
En s’appuyant sur la capacité du corps à s’autoréguler, le biofeedback permet d’améliorer la santé globale et le bien-être des personnes qui s’entraînent à travers les systèmes polysensoriels.
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Mots-clés: accompagnement, education, médecine, psychologie, santé, science